Au fait, un palmier, qu'est-ce que c'est ?

         

                    Nul besoin d’être botaniste bardé de diplômes, ou de médailles plein le torse tel un officier soviétique, pour cultiver quelques palmiers, cependant il est bien utile de connaître certaines petites choses pour faciliter leur culture mais aussi pour diagnostiquer ou localiser un problème, identifier une espèce ou simplement communiquer avec les autres amateurs.

            Pas de considérations scientifico-botaniques rébarbatives dans ce chapitre: juste quelques descriptions générales et à l'imprécision flirtant avec l'inexactitude (qu'infirmeront à coup sûr de nombreuses exceptions) .

 

           Même si sa stature s’en approche, et bien qu’on trouve dans certaines annonces des « terrains arborés de palmiers… », le palmier n’est pas un arbre. Outre le fait que son tronc (qui n’en est pas un) est très rarement ramifié et ne se divise donc pas en branches, sa structure et son mode de croissance n’ont rien à voir. Son système racinaire non plus d’ailleurs : un arbre avec des racines de poireau ? ça se saurait …

 

    Le palmier, comment ça marche ?

          Eh bien… ça ne marche pas ! Sauf, peut-être, le palmier à échasses (Socratea exorrhizza). Toutefois ce cas précis relevant de l’anecdote, revenons à des choses plus sérieuses et aux palmiers immobiles, plus faciles à observer -et surtout à dessiner- lorsqu’ils  ne bougent pas.

 

        Un palmier se compose de racines (les racines...), d’un stipe (le « tronc ») et d’une couronne de palmes (les « feuilles »)

       A l’inverse un palmier se décompose banalement en terreau lorsqu’il est trop vieux, lorsqu’il est vexé (le froid, entre autres, peut mettre à mal sa susceptibilité) ou lorsque certaine faune indésirable en fait son quatre-heures (nous reviendrons plus tard sur cette désastreuse gastronomie).

 

        Commençons par le haut, nous serons ainsi sûrs de finir les pieds sur terre (et même sous), et non dans les limbes au-delà de la cime des ceroxylon quindiuense  (plus haut palmier du monde) :

 

     La couronne et les palmes :

      Deux types de palmes : les palmées – ça ne s’invente pas, je n’y suis pour rien…- et les pennées, plus divers stades  intermédiaires entre ces deux types.

     -Les palmées voient toutes leurs folioles (on parlera plus volontiers de segments dans ce cas) prendre naissance dans la même zone à l’extrémité du pétiole un peu comme les doigts d’une main (palma = paume). Dans cette zone, à la face supérieure se trouve l’hastula,  élément qu’on pourrait croire purement décoratif mais extrêmement utile à l’identification dans certains cas.

     -Les pennées quant à elles ont des folioles ( pinnules dans ce cas-là ) réparties tout le long du rachis qui est lui-même la prolongation du pétiole. L’analogie avec une plume (penna=plume) est évidente. Pas d’hastula sur ce type de palme.

     -Les costapalmées à mi-chemin entre les deux précédentes s’observent chez des espèces plus indécises, sans doute nées sous le signe de la balance, comme moi. L’organisation des folioles au départ du pétiole s’apparente à celles des palmes palmées (beurk ! c’est pas beau « palmes palmées ! ») et ensuite à celle des palmes pennées le long d’un rachis plus ou moins développé. Ne me demandez pas s’il s’agit dans ce cas de segments ou de pinnules, l’utilisation du générique « folioles » permettant d’éluder simplement la question (avec la bénédiction de la Sécu, en plus).

   Les folioles, extrêmement variables dans leur forme se divisent elles-mêmes en deux groupes qui constituent aussi une clef d’identification :

    -Les indupliquées  dont la coupe est en V,formant gouttière sur le haut.

    -les rédupliquées  dont la coupe, à l’inverse, est en accent circonflexe  ^, formant arête sur le haut.

             Les pétioles peuvent être lisses, légèrement dentés, armés d’épines acérées, tomenteux, couverts d’écailles etc…

 

     Le stipe:

     Il peut être monocaule (stipe solitaire) ou cespiteux (plusieurs stipes).

Mais aussi quasiment absent, rampant, voire souterrain.

Il est non ramifié et cylindrique en général, parfois conique ou avec un simple élargissement de la base.

 

        Les stipes de deux palmiers sont toutefois remarquables et méritent d’être signalés : celui de l’Hyophorbe lagenicaulis dont la partie centrale enfle en vieillissant à la manière d’une célèbre bouteille de boisson à l’orange (aimant à être secouée), et celui du jubaea chilensis qui se rétrécit subitement à sa partie supérieure sur les sujets âgés comme un goulot de bouteille de Bordeaux (éviter de secouer). Ces deux exemples différents mais concordants expliquent sans aucun doute possible l’étymologie de l’expression « prendre de la bouteille » avec l’âge.

 

    De structure fibreuse, sa coupe (allons ! croyez-moi et lâchez cette tronçonneuse !),  ne montre pas de cernes de croissance et la partie vivante se situe au centre, contrairement aux arbres dont le cœur n’a qu’un rôle de charpente pendant que l’aubier et l’écorce à la périphérie assurent la subsistance.

    C’est d’ailleurs cette structure particulière qui donne aux palmiers la possibilité de se régénérer après les incendies, la partie vivante centrale n’étant pas affectée par les foudres d’Héphaïstos.

 

    Les racines:

                 Vous voyez un poireau ?

    Non, oubliez le tronçon verdâtre insipide coincé entre carotte et navet dans la barquette sous cellophane à la saison du pot au feu ! Je parle du vrai poireau qui dépasse du cabas de mamie sur le marché, avec un peu de terre sur les feuilles. Tirez le discrètement (elle ne se rendra compte de rien : elle essaie d’entendre ce que lui raconte le charcutier) et observez bien ses racines…

    -Peu ou pas ramifiées, de diamètre à peu près constant et identiques, organisées en faisceau et naissant toutes dans la même zone, elles vous donnent une image assez précise du système racinaire que votre palmier adoré cache pudiquement sous le sol.

    -Elles se développent en longueur (parfois importante lorsqu’il s’agit d’aller trouver un peu d’eau au fond d’un oued saharien ou dans un canyon mexicain) mais pas (ou très peu) en diamètre, ce qui permet de planter les palmiers à proximité d’éléments architecturaux sans risque de dégradation.

    -La partie génératrice des racines se situe à leur extrémité, ce qui signifie qu’une racine coupée ne reprendra pas sa croissance.

             Gênant pourrait-on penser… et surprenant lorsqu’on sait avec quelle facilité la plupart des palmiers peuvent être transplantés, même avec une motte réduite dont toutes les racines ont forcément été coupées…

     Cette aptitude à la transplantation vient en fait d’une particularité du système racinaire : il se renouvelle en permanence et de nouvelles racines sont émises en remplacement des anciennes qui laissent poliment leur place. Leur croissance rapide chez certaines espèces pour peu que les conditions soient optimales permet donc aux sujets transplantés, même adultes (et surtout adultes puisqu’ils ont des réserves de sève dans le stipe), de créer un nouveau réseau de racines en une saison seulement.

      Ne pas oublier maintenant de remettre le poireau dans le cabas, même si nous sommes à présent devant l’étal charentaises : la passion n’interdit pas l’éducation !

 

 

Et à l’intérieur ?

 

 

                          On a tiré le portrait du palmier, on sait maintenant à quoi il ressemble.

                                             Mais il se passe aussi des choses à l’intérieur, et pas des moindres !

       Nous allons donc pratiquer une autopsie en coupant un palmier en deux dans sa longueur… Bon, OK… je vois que ça ne plait pas à tout le monde, on se contentera de croquis !

                  Mais pour comprendre sa structure interne le plus simple est d’observer d’abord  la chronologie de sa formation et son mode de croissance

               -Au début était la graine ! 

        Cette affirmation quasi biblique va nous permettre d’éviter le débat stérile (ce qui serait un comble en parlant de graine) genre poule-œuf, ou œuf-poule,  à savoir qui était là en premier.

       La graine est un objet capricieux, éventuellement capable de rester une éternité sur son lit de vermiculite (ou autre savant mélange), voire nue dans son ziplock, sans donner le moindre signe de bonne volonté.

 

           Sachant que la nature est très mal faite on aura pourtant au préalable essayé toutes les tortures possibles pour augmenter ses chances de germination : scarifications, limage, craquage, choc thermique, choc hydrique,  confinement, incantations, etc… sans oublier l’apport de quelques produits chimiques pour garantir sa…salubrité.

 

        -Et un germe apparaît finalement un matin

             (c’est toujours un matin, vous avez remarqué ?) !                                                                                      

           Saint Serre, merci ! Et ta lumière, saint Ethique , fera le reste !   Reportage photo immédiat sur le forum des fous de palmiers !   Réunion de la famille émerveillée, chien et canari compris !   Souvenir ému du haricot qu’on fit jadis germer sur du coton à l’école communale sans s’y intéresser plus que ça, ne percevant pas à l’époque la dimension prémonitoire de l’expérience…    Un grand jour, en somme !

          -A ce stade les choses s’accélèrent (forcément vu l’immobilisme de la phase précédente) : le germe va plonger vers le sol, inexorablement, et s’y enfoncer: c’est la racine primaire, mais il va aussi se diviser à proximité de la graine et donner naissance au dard qui va pointer vers le ciel et deviendra la première feuille séminale. On vient d’assister à la première différenciation cellulaire visible. Elle n’est pas belle, la vie ? 

 

               -Et le méristème fut !

          Voilà un mot qu’on entend ou qu’on lit souvent sur les forums. Peut-être serait-il utile d’en dire un peu plus sans tomber non plus dans une rébarbative technicité doctorale…On va faire simple.

        Un méristème est une masse de tissus indifférenciés donnant naissance à des tissus différenciés (feuilles, inflorescences, racines etc…), une espèce de  « matrice » quoi. Sur un palmier le méristème primaire apparait dans la zone de la racine primaire où nait la première feuille. Ce méristème va ensuite donner naissance au faisceau de racines cité plus haut ainsi qu’aux premières feuilles pendant que la racine primaire devenue inutile va dépérir.

      La base du palmier, où se situe ce méristème va alors s’épaissir à chaque émission de nouvelle palme jusqu’à atteindre le diamètre définitif de ce qui deviendra le stipe. C’est le bourgeon apical.

     Les palmes sont émises par le centre du bourgeon apical. Leur pétiole se termine par une gaine, chacune naissant dans la gaine précédente. Au niveau du bourgeon on pourrait un peu comparer cette organisation à un empilage d’entonnoirs de différentes tailles, la petite queue par laquelle on accroche l’entonnoir au mur figurant le pétiole.

      Dans la pratique les pétioles sont plus ou moins engainants selon les espèces mais le principe reste vrai.

     Et pendant ce temps de nouvelles racines naissent en permanence, avec la particularité d’embarquer chacune son propre méristème apical racinaire qui avance à son extrémité avec la croissance de la racine. Rappelez-vous : une racine coupée est privée de son méristème et meurt…

 

       -Et le palmier grandit

(ben oui, à force d’empiler des entonnoirs…)

      Et ce qui est devenu début de stipe s’allonge, mettant le méristème primaire face à un choix cornélien, un vrai cas de croissance : je pars à l’assaut des frondaisons ou je reste près de mes petites racines ?  La solution passe finalement par la délocalisation (vous voyez, ce n’est pas nouveau…),  une partie du méristème va se séparer du méristème primaire et suivre le bourgeon apical donnant le méristème apical caulinaire.

 

      Le stipe, issu de la transformation des bases de pétioles empilées prend une structure fibreuse verticale périphérique d'épaisseur variable selon les espèces alors que son centre est constitué d'un corps médulaire. à noter qu'on ne peut pas parler d'écorce au sens botanique pour un palmier Il s'agit simplement d'une couche externe plus ou mois durcie qui n'a qu'un rôle protecteur.

 

          Bon ben voilà, ça commence à ressembler à un palmier tout ça, non ?

 

Illustrations bientôt pour éclairer tout ça: je n'ai toujours pas retrouvé mon taille-crayons...

 

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Commentaires (1)

patou
  • 1. patou | 18/06/2015
wouaou ! quelles belles explications ! j'ai adoré les lire

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